Attirée par les fragments de vie, je vole les histoires des autres. Je m'approprie leurs souvenirs pour révéler leur journal intime fantasmé. J'affectionne les supports aux esprits dormants, pages de magazine, radiographies médicales, gants portés par les femmes de ma famille. Enfant, j'ai été littéralement terrifiée par les meubles chinois de mes grands-parents, j'imaginais les fantomes qui s'y nichaient. Aujourd'hui, leur présence est incarnée en filigrane dans mes peintures. Il y a toujours un souvenir bloqué entre deux mondes.

La bouche. La bouche s'impose. Fascination pour ma grand-mère, sourde, lisant sur nos lèvres malicieusement muettes. Les lèvres ouvrent l'accès de l'horizon intérieur. Membrane charnelle, passage (de) secrets.

Et le rose, alors ? Aimez-vous le rose ? La plupart des visiteurs ont une profonde aversion pour cette teinte. Le rose c'est girly. Et pourtant, le rose était porté par les hommes dont la teinture rouge des vêtements se décolorait. Les chevaliers étaient de rose vêtus. J'aime profondément le rose, tous les roses, c'est une couleur ronde, rassurante, comme une bulle, un ventre. Mélange de deux liquides biologiques vitaux, le sang et le sperme.

"Le rose est une couleur qui dérange. Et j'aime ça !

Diplômée en dessin textile et impression à l'École Duperré puis en design mobilier aux Arts Décoratifs de Paris, j'ai exploré différents médiums et tissé des liens entre les arts appliqués et l'art contemporain. Cherchant a insuffler une âme aux choses, j'ai déployé mon écriture artistique sur des objets "habités". Dans cet esprit, j'ai travaillé pour Christian Lacroix, Nobilis, Habitat, Deshoulières, collaboré avec la presse féminine et durant seize ans avec Tokuko 1er Vol, une maison de couture japonaise."

Sophie Lormeau

Incisions dans le plus ancien dialogue amoureux. Extraction et assemblage. Je vole des mots du Cantique des cantiques. Des mots aux sous entendus allégoriques terriblement charnels. Projection du désir... La forme arrondie de ces écrins en verre bombé est l'image véhiculée de la féminité, toute en rondeur, en douceur. Ces volumes si sensuels sortent, parfois, leurs griffes!

Double, organique, insaisissable. Constituée de zones d'ombres et de carambolages. D'une symétrie infiniment paradoxale.

Mot-reliques, injonctions, invocations, évocations... Des mots pour exorciser la mémoire.

La peau, enveloppe de notre corps, laisse perler les secrets de notre santé mentale.

Tel un suaire, l'empreinte du corps apparaît, se déploie et se superpose au passé effacé mais suant en filigrane. Assemblages de nos contradictions et vestiges enfouis. Ce que l'on cache emboutit ce que l'on donne à voir. Vice versus versa.

“Il reste toujours quelque chose de l'enfance, toujours...” Marguerite Duras

Ces maisons sont des personnes bloquées dans les demeures familiales suite à des secrets ou des blessures transgénerationelles.

"MAISON PEUT RÊVER
Quoi de plus stable qu'une maison ... les récits en disent souvent la quiétude ... Sophie Lormeau relance des voyages possibles. Sur fond de couleurs, de nuances de vie, sa ligne ferme trace entre autres des maisons. Ainsi, les élancements de matières colorées les traversent et les débordent. Il en sera de même pour les visages d'où surgissent des mouvements comme autant de fleurs. Comme si toutes formes étaient par vocation terreaux d'autres réalités... florales... multipliées... animales. A voyager dans ses toiles, l'esprit-maison libéré chante les plaisirs sensuels d'être au monde."

Yannick Lefeuvre vivrelartmagazine

Série Portraits lyriques

20 x 20 cm chacun - 2017